Grande Bataille d'Ethir Anduin vue par Sigmin Ami-des-Elfes

--------"Pas trop déçu, chef ? demanda Hemli.
---------Déçu de quoi, frère ? répondit Sigmin.
---------D'abandonner le siège de la Citadelle, capitaine. On n'aura même pas eu l'occasion de combattre, se désola le ranger.
---------Dis-toi cela, Hemli: nous quittons une bataille pour une autre, et tu peux être sûr que ta lame goûtera au sang de tes ennemis cette fois-ci ! annonça l'officier.
---------Cela me rassure, alors ! se réjouit le sonneur de cor. Ce combat contre les chevaliers noirs a été bref selon moi, et s'est terminé de la pire façon possible: mon adversaire s'est enfuit ! rappela le nain.
---------Moi aussi, mon ennemi s'est enfuit, et j'arrive à dormir la nuit, intervint Filin.
---------Oui, mais toi, il ne t'as pas arraché un poil de barbe avec son épée, se lamenta le pauvre ranger.
---------Ce n'est pas le moment de reparler de cela, frères, car nous arrivons en vue de notre destination: Pelargir, la rade des navires du Roi.
---------Je me suis toujours demandé pourquoi remonter vers le Nord alors que la bataille avait lieu dans le Sud, dit Narin.
---------Taisez-vous et admirez la beauté de cette cité, les interrompit Sigmin. Reconnaissez, bande de nains bourrus, que les Hommes ont fait du beau travail. Cela ne vaudra jamais Cavenain..."
--------Dans un élan de nostalgie, les six nains présents se mirent à fredonner la célèbre chanson rappelant la beauté de la cité perdue:
"Au Nord c'était Cavenain
Les rocs c'était le chemin
Le Lac c'était un blason
Les Nains des mineurs de fond..."
--------Cela surprit les hommes qui les accompagnait, mais ils n'en dirent rien, car il ne fallait jamais se montrer impoli avec un nain, et encore moins quand celui-ci avait plusieurs haches à sa ceinture !

--------Finalement, le groupe de guerriers hétéroclites parvint aux portes de la ville, fermées en ces temps troublés. Ils leur fallut plusieurs minutes avant qu'un des gardes n'aille chercher l'homme qui pourrait les faire entrer, le capitaine du navire où servaient les soldats qui guidaient les nains. Une fois à l'intérieur, ils furent conduits dans le quartier du port où on leur trouva un logement et de la nourriture. Sigmin et ses frères furent bien contents de pouvoir prendre un peu de repos après les dernières heures de marche qui avaient été harassantes. Une fois la bière apportée et les pipes allumées, tous les tracas de la journée s'évanouirent comme les ronds de fumée qu'ils faisaient avec leur cachotte. A cet exercice, Filin s'était toujours montré le plus habile: il parvenait à faire plusieurs cercles concentriques à la suite, ce qui impressionnait ses compagnons, et parfois les femmes, mais surtout les naines.
--------Toutefois, tirer quelques bouffées était un plaisir pour tout le monde, et dans ces moments, personne n'était jaloux de ce talent caché du sergent.
--------Les nains s'étaient installés dans la cour de l'auberge, assis sur les marches en pierre devant la salle commune, ou dans le tas de foin jusqu'à côté. La soirée commençait tout juste, le soleil descendait derrière l'horizon en laissant des traînées rosâtres derrière lui. Tout semblait parfait, jusqu'à ce qu'un messager vienne interrompre leur moment de tranquillité: leur présence était requise sur les quais, car le capitaine voulait partir tôt, et les préparatifs n'étaient pas terminés. Après de longues minutes de conversation, l'estafette parvint à convaincre Sigmin de descendre jusqu'au port. Les nains se remirent en marche une fois de plus, non sans s'être délestés d'une partie de leur équipement auprès du coursier.
--------Quelques instants plus tard, les rangers trouvaient le capitaine Melgir en pleine activité: entouré de ses nombreux aides de camp et seconds, il tentait d'organiser le voyage jusqu'à l'Ethir Anduin. Quand l'hommes vit les six guerriers arriver, il s'arrêta pour les saluer:
--------"Maîtres nains, excusez-moi de vous avoir fait venir ici pendant votre repos, mais je crains que nous devions écourter notre séjour ici. Une missive en provenance d'Eturnel m'est parvenue: l'ennemi est déjà présent en grand nombre sur la rive orientale, et le général Isendùr réclame notre présence. Même s'il a déjà rassemblé une grande force, notamment grâce aux efforts du seigneur Angbor de Lamedon, les troupes que nous amenons seront très appréciées: un contingent de cinquante archers et quatre de nos armes lourdes."
--------A ces derniers mots, Sigmin sentit la curiosité le démangeait:
--------"Armes lourdes, dites-vous ?
---------Oui capitaine, des balistes conçues pour éclaircir les rangs des orques avec facilité: elles envoient des dizaines de projectiles à chaque tir.
---------Intéressant...espérons qu'elles fassent ce pour quoi elles ont été fabriquées avec beaucoup de succès, car la bataille risque d'être sanglante ! promit le nain.
---------Ne vous inquiétez pas pour ça, maître nain, ces armes ont déjà éliminé plus d'orques que vous avec votre hache, répondit Melgir avec fierté.
---------A votre place, je ne m'avancerai pas là-dessus, glissa Filin à l'intention du marin."
--------Evaluant le degré de certitude du nain, l'homme ne préféra pas relever. Ce fut donc Sigmin qui reprit la parole:
--------"Très bien, dans ce cas, pourriez-vous nous indiquer sur quel navire nous allons faire le voyage ? Mes compagnons et moi-même sommes fatigués et souhaiterions nous reposer.
---------Je vous ai gardé une place sur le Hyallondië's spear, mon propre bâtiment. Un de mes seconds va vous y conduire. Toutefois, la situation me laisse penser que vous ne parviendrez pas à trouver facilement le sommeil. Nous partons dans quelques heures, et les allers-retours entre les navires et les quais ne cessent pas. Enfin, je préfère vous laisser, j'ai à faire, excusez-moi.
---------Ne vous inquiétez pas pour nous, si on veut dormir, on dormira ! lança joyeusement Hemli."
--------Sigmin laissa son compagnon s'enthousiasmer, puis se lança à la suite d'un des lieutenants de Melgir qui les emmena sur le vaisseau amiral et leur trouva une cabine libre. Les six nains parvinrent à s'installer confortablement, et s'endormirent rapidement malgré le vacarme provoqué par le chargement de provisions et de munitions sur les navires.
--------Le lendemain, le capitaine de la flotte en personne vint les réveiller. A vrai dire, le lendemain voulait dire quatre heures plus tard, ce qui eut le don de mettre les rangers de mauvaise humeur. Melgir se dépêcha donc de leur annoncer le départ, puis les laissa à nouveau se reposer, préférant se passer d'eux tant qu'ils n'étaient pas en pleine forme, et moins grognon (le terme "joyeux" n'aurait pas convenu pour des nains).
--------Alors que le soleil atteignait le zénith, un des marins fut envoyé dans la cabine de Sigmin et de ses compagnons pour les réveiller, en guise de punition pour s'être endormi alors qu'il était de quart. Pour l'homme, qui regrettait maintenant son relâchement, la mission s'avéra périlleuse : les six guerriers n'étaient pas debout, il dût les stimuler en leur promettant un bon petit-déjeuner.
--------Narin et Feran furent les premiers à sortir de la cabine, plus par faim que par réel courage. Les deux cousins cherchèrent avidement la cambuse pour s’y restaurer, mais furent déçus quand ils ne reçurent qu’une assiette à peine remplie de viande salée et de pain. Les marins n’avaient pas l’habitude de festoyer sur leur navire, et les nains de manger aussi maigrement. Les deux rangers retournèrent donc à la cabine prévenir leurs camarades qu’ils pouvaient se recoucher, mais le mal était fait, et Sigmin envoya donc ses soldats sur le pont. Lui-même partit rejoindre Melgir, et ils discutèrent du voyage et de la bataille à venir. A son plus grand regret, le capitaine ne participerait pas aux combats : son rôle était de transporter les renforts jusqu’à destination, puis de repartir patrouiller le long de l’Anduin. Une flottille en provenance de Linhir assisterait toutefois l’armée gondorienne et ses alliés, et pour combattre les inévitables corsaires en maraude dans ces eaux. Cela déçut Sigmin, car il voyait en Melgir un officier talentueux et un homme d’expérience.
--------Pour le consoler, le nain raconta son précédent voyage sur l’Anduin, celui qui l’avait mené de Harlond jusqu’à l’endroit où le Poros se jette dans l’Anduin, et c’était il y a très peu de temps à vrai dire : il ne s’était pas passé dix jours depuis leur traversée des gués et leur entrée en Harondor, et les voilà en train de descendre l’Anduin une fois de plus pour aider le Gondor.
--------En en reparlant, le capitaine d’Erebor se rappela aussi toutes ces précédentes batailles. Elles n’avaient pas été nombreuses, surtout pour un nain, mais il se rendait maintenant compte qu’il n’était pas fait pour ça : croiser le fer avec des adversaires talentueux et massacrer des orques étaient exaltant, mais ce n’est pas ce qui lui convenait. Il ne s’était pas engager dans l’armée avec pour but de massacrer les serviteurs de l’Œil, mais plutôt parce que c’était ce que faisait tous les jeunes nains à l’époque, et parce qu’il avait envie de voir du pays. Evidemment, cette deuxième envie était liée avec son besoin de partir à la recherche de son père, ou du moins d’informations le concernant.
--------Ces différentes rencontres avec des elfes et des hommes l’avaient grandement enrichie, autant pécuniairement que psychologiquement. Arafin avait été le premier, croisé sous les frondaisons de Mirkwood il y a quelques mois, et qu’il avait laissé derrière lui, au pied de la Citadelle. Le guerrier elfe avait prévu de les rejoindre une fois le siège terminé, et de monter ensuite jusqu’à Minas Tirith pour prendre du repos. D’une grande importance aussi était Munok. Malgré son engagement auprès des chevaliers noirs du seigneur Alkin, que Sigmin et ses alliés combattaient, l’Orphelin restait un ami du nain. Les deux guerriers avaient, et le futur s’annonçait de la même façon pour eux. Il était maintenant clair que Sigmin et Munok devait se retrouver pour partir à la recherche de leur passé et de leur père, eux-aussi apparemment amis il y a longtemps. Toutefois, les deux soldats étaient occupés : chacun avait une bataille à mener et à remporter !
--------C’est sur ces pensées que le nain quitta le bastingage du Hyallondië's spear pour reprendre son équipement, car la journée était passé et l’escadre était arrivé à destination. Des éclaireurs avaient été déposés plus tôt sur la berge, et autorisèrent le débarquement des troupes, l’endroit étant désert. En moins d’une heure, tous les soldats étaient en ordre de marche sur la rive, suivis des chariots transportant les balistes.
--------Sigmin alla donc saluer Melgir, le remerciant pour ses services, puis rejoignit la tête de la colonne et Dacean, capitaine des archers de Minas Tirith. Il leur fallut quelques heures pour rejoindre le campement des forces du Bien, à moins d’un kilomètre de l’Ethir Anduin. Les tentes étaient déjà protégées par un fossé et un remblai de terre, et une palissade commençait à s’élever tout autour. Les gondoriens savaient ce que réclamer des batailles de ce genre, et un camp bien installé et assurant correctement les besoins des soldats était souvent la clef du succès lors de longues campagnes.

Un petit passage que j'avais oublié de poster avec le premier morceau:

--------Marchant tranquillement vers l’entrée, Sigmin reconnut tout de suite l’étendard qui flottait de l’autre côté du campement. Il s’élança aussitôt dans sa direction, suivie de près par ses cinq compagnons qui avaient aussi vu la bannière. Pour qu’il provoque autant d’émoi chez le capitaine, cet étendard devait avoir quelque chose de particulier : il représentait un détachement nain, des frères que l’officier était trop heureux de revoir. En s’approchant, il put s’apercevoir que les tentes naines étaient nombreuses, suffisamment pour accueillir plus de deux cents guerriers !
--------Il déboula sur la petite place aménagée au milieu des rangées de tentes, et qui était marquée par la bannière que Sigmin avait aperçu en arrivant au camp. D’autres nains étaient là, se reposant ou s’affairant à préparer à manger. Le soir tombait, et des feux commençaient à s’allumer un peut partout à l’intérieur du campement. Le capitaine reconnut tout de suite Meran et Magan, en pleine discussion avec un autre officier que le ranger ne connaissait pas. Ceux-ci se tournèrent vers lui, puis un sourire illumina leur visage à la vue de leur supérieur. Ils se précipitèrent vers lui et le saluèrent d’une bonne étreinte bien virile. Les autres rangers ne tardèrent pas à arriver, contents de retrouver leurs compagnons. Rapidement, un attroupement se forma autour d’eux, quand la nouvelle que Sigmin et ses rangers étaient revenus. Le capitaine dut saluer tous ses guerriers un par un avant de pouvoir s’extraire de la foule et de s’éloigner en compagnie de Meran, Magan et de l’inconnu, qui n’avait pas encore prononcé un mot. Il avait laissé ses cinq frères pour occuper tous les soldats, et espéraient les revoir vivants le lendemain. Il fut conduit jusqu’à la tente du commandement nain, afin de discuter tranquillement, une bonne bière à la main. Lui fut alors présenté le troisième officier :
--------« Chef, je vous présente Dognar, fils de Fonar, capitaine ingénieur de l’armée d’Erebor, annonça Meran. »
--------A ce nom, Sigmin tiqua, mais effaça aussitôt sa surprise de son visage, pour ne pas éveiller les soupçons.
--------« Capitaine Dognar, voici le capitaine Sigmin…poursuivit le sergent-chef.
---------…fils de Sigan, compléta l’ingénieur. Votre réputation vous précède, capitaine, et vos deux subalternes m’ont beaucoup parlé de vous. En bien, bien entendu.
---------Bien entendu, répondit l’intéressé, avec un sourire forcé. »
--------Ne voulant pas s’attarder ici malgré la présence de ses deux sergents-chefs, Sigmin coupa court à la discussion :
--------« Excusez-moi messieurs, mais le haut commandement m’attend, et j’ai des informations de la plus haute importance à leur transmettre. On se revoit plus tard. »
--------Sur ce, il quitta la tente, retrouvant Hanus qui l’attendait à la sortie et qui l’accompagna jusqu’au quartier général.